La meilleure ?

A l'hôpital, les nouveaux-nés suivaient un rite quotidien - être réunis dans des chariots, transportés dans la salle spéciale et lavés avant de jouir ou subir un massage. Les parents n'étaient pas permis de surveiller ces exercices et devaient attendre le retour des bébés avec impatience. Lorsque les chariots chargés apparaissaient enfin, avec tous les bébés en même costume et de même taille, les parents écarquillaient les yeux pour reconnaître le leur. 

- C'est la nôtre ! J'en suis sûre ! a crié avec joie ma mère.

- Mais comment ? L'infirmière lui a riposté avant de vérifier son bracelet.

- Car elle est la meilleure ! La plus jolie, n'est-ce pas? Toute fière, ma mère a reçu le bébé.

Depuis la naissance de ma fille, je ne cesse d'entendre les superlatifs, prononcés surtout par ma famille. Ils aimaient la comparer avec les autres, avec ceux qui se trouvaient dans la même chambre à l'hôpital, avec ceux des voisins ou des collègues, avec même les petits sur des affiches.

Elle est plus vigoureuse que les autres. Elle a des yeux plus grands que notre voisin. Elle est si sage que même les bébés de trois mois ne pouvaient pas l'égaler . Elle sera certainement la plus intelligente. Elle sera l'enfant prodige... Mes parents y voient beaucoup d'espoir et cela leur crée une joie permanente.

Or, ce que j'espère voir, c'est qu'elle grandit en bonne santé et tout naturellement comme les autres. Etre distinctif est une chose fatigante.