Le Prurit de Possession

Depuis la fin des cours, je travaille dans la bibliothèque d'université, où il me faut souvent être matinale pour arracher une place dans la salle de lecture pour chercheurs et professeurs. En effet, à cette période des examens, on préfère travailler tranquillement dans un endroit chaud, dont l'atomosphère est encourageante. D'ailleurs, cette salle est la seule où toutes les places sont équipées d'une prise d'électricité. C'est pourquoi j'ai croisé deux fois quelques étudiants de licence, d'ailleurs mes étudiants de français, qui y tentaient la chance d'occuper une place plus pratique.

Or, tous ne sont pas là pour travailler. La fille qui est assise dernière moi se réjouit de son feuillton coréen et celle à deux pas loin, occupée par des causeries avec ses amis en lignes. Plusieurs dorment. Non moins rarent sont les amoureux, assis coude contre coude, tout en s'échangeant des clins d'oeil. Les portables viennent souvent déranger ceux qui se penchent vraiment au  besogne et leur arrachent quelques minutes ou bien une portion plus grande de leur temps précieux.

Souvent, quand on quitte pour manger, ou  bien pour se distraire un peu les yeux, ou bien pour profiter du soleil, on laisse ses livres sur la place, quelques fois d'une manière en désordre. Ceci donne une impression qu'on revienne vite. Or, la place est parfois libérée pendant des heures, voire toute l'après-midi.

Le soir, quand on rentre, on se dit d'avoir bien travaillé, de ne pas avoir perdu encore une journée ailleurs. Malgré tout le temps consacré peut-être à des choses anodines, on est content d'avoir trouvé une place à la bibliothèque d'université contre tous les retards malheureux.

On est hypocrite, y compris moi. Car je ne cesse d'acheter des livres, pour les quelles j'ai du mal à trouver du temps. Or, j'ai une grande joie de les posséder et de les étaler dans ma bibliothèque.