Des croqueurs de livre

Les cours finis, les exemens subis, le campus est devenu tout d'un coup désert. Sous le ciel gris et aux vents violents, le bruit quotidien des vélos semble déjà lointain. La rue piétonne où s'animent tous les midis des cris de divers marchants pert tout son charme, bien que "dénudé".

Or, le monde n'est tranquille pour tous. Ceux qui traînent à la bibliothèque, à l'apparence lasse et abattue, gardent un coeur chaud et agité. Ce sont des croqueurs de livre, à juger par des tas de bouquins qui les entourent, voire les submergent. On se comprend facilement. On aurait préféré voyager, sortir avec des amis, ou bien simplement s'abandonner à la télé, si l'on était pas torturé par une thèse, un article à publier, un rapport à rédiger...

Les filles sont devenues soudain néglignantes: teint pâle, cheveux en chignon, grosses lunettes, chaussures de sport. Les garçons maintiennent leur indifférence à ces jolies jambes cachées sous la même grande table, qui heurent parfois les leures par inattentions. On est solitaire, mais aussi peut-être solidaire sur un autre plan. Lequel ? Encouragement psychologique.

Moins de monde, plus de places ! on est ravi de la conquête facile pour cette possession matérielle. Ainsi, presque tous n'hésitent pas à étaler leurs affaires ici et partout. Les livres, le portable, la tousse, le verre, parfois une banane, une pomme ou de petits amuse-gueule... Ce qui rend l'atomosphère plus détendue.

Je parle de ''on", de "tous" et de "leur", comme si je ne faisais pas partie à ce groupe, balancé entre enthousiame et lassitude, qu'on nomme thésards. C'est qu'il n'y a peut-être que moi, qui, pour le moment, se lève et jète un coup d'oeil à l'ensemble, tous étant plongés dans leur monde singulier, où ils croquent avant de ruminer.