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Les miettes des idées
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Les miettes des idées
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18 août 2015

Un ami en avion

Je n’ai pas l’habitude de parler aux voisins étrangers en avion, même pendant de longs trajets. C’est peut-être l’âge qui fait qu’on est plus prudent et moins spontané.

Je me souviens très bien de mes voyages en train, lors que j’étais encore étudiante. On prenait des sièges durs et veillait des heures. Comme on met les étudiants – avec leur billet au prix réduit – dans le même compartiment, l’épanchement serait plus facile. Même pour d’autres voyages, on se mélangeait très facilement, en proposant de jouer aux cartes ensemble ou de bavarder un peu sur tout, notamment sur les scandales.  Le train d’alors n’était jamais silencieux. Maintenant qu’on voyage avec plus de confort, dans les trains à grande vitesse, on fait plus attention à l’ambiance « propre ». On apprend à l'enfant d'être plus civilisé.

Certes, l’avion est un espace beaucoup plus « luxueux » que le train. Naturellement, on doit respecter les autres, en gardant le silence. Je n’ai pas fait beaucoup de trajets entre l’Europe et la Chine, qui demandent au moins 10 heures. Je garde des souvenirs assez flous de mes voisins. On a à peine échangé quelques sourires, souvent pour se déplacer vers les toilettes.

Cette fois, j’ai vraiment « beaucoup trop » parlé avec un de mes voisins, conversation d’ailleurs plaisante. C’était un Mexicain, d’une quarantaine d’année, qui avait une physionomie peu curieuse.

Mon mari me répétait la priorité de la sécurité à l’aéroport et en avion, d’autant plus que j’apportais avec moi un Iphone 6 et un Mac, objets ostentatoirement convoitables. Je me suis jurée de ne pas les montrer pendant tout le trajet et comptais les cacher sous le siège. Dans la cabine, j’étais assises entre deux hommes, qui, bien que peu costaux, avaient déjà l’âge mûr et malin.

Quand l’avion allait se décoller, j’ai eu du mal à  éteindre mon portable, faute de pratique. Bien sûr, on peuvait faire semblant de l’avoir éteint, mais le sens de la sécurité aérienne étant si obsédant chez moi, j’ai voulu absolument l’éteindre. M’ayant vue secouer l’objet avec l’air désemparé, le voisin côté fenêtre m’a fait un signe de lui donner mon Iphone. Je ne pouvais que le lui laisser. Il ne parlait aucun mot, et je commençais à deviner sa nationalité.

Un sourire suffisait pour le remercier de son opération, tandis que la vigilance s’est éveillée en même temps. « Mon dieu ! Il a vu que j’ai ça ! Fais plus d’attentions quand on quitte l’avion !! Pourrait-il me suivre pour le voler ? » Ces hantises étaient si naïves, mais je me disais qu’il valait mieux d’y penser.

L’avion s’est vite retrouvé dans un état paisible. On servait le déjeuner. Mes deux voisins ont signalé leur choix en anglais, ce qui a augmenté mes soucis. « Comment ? Ils sont de passage à Paris ? » Les business man sont à méfier davantage.

Le repas se consommait vite. J’avais devant moi un tas de pots et emballages, en désordre. Je le trouvais tout à fait normal – ce sont des déchets, destinés à la poubelle, sous n’importe quelle forme. Or, ma surprise était étincelante quand j’ai remarqué un plateau propre devant mon voisin avec des fourchette-couteau à côté. Comment se fait-il qu’il n’y ait qu’une boîte en papier d’étain ? Bien sûr, il avait tout mis là-dedans, ayant plié les gobelets, les assiettes, les serviettes, tout, dans une petite forme condensée. Soudain, je suis devenue admirative et honteuse.

« Lui, il est issu d’un milieu civilisé ! » ai-je conclu.

Désarmée, j'ai fait le deuxième sourire. On a commencé à échanger un peu plus de mots lors que les boissons après-repas étaient proposées.

J’ai appris beaucoup de choses sur lui, son pays, son métier, un peu de sa famille, ses voyages en Chine, sans avoir posé beaucoup de questions. C’est surtout lui qui m’interrogeait et mes réponses étaient toutes brèves, d’autant plus que mon anglais était limité. Il m’a montré des photos prises à Shanghai sur son Iphone. Oui, la deuxième barrière s’est enlevée, car lui, il possédait aussi un Iphone.

Le trajet étant trop long, on pourrait parler de tout. Mais ma pudeur voulait que je garde encore de la prudence, c’est pourquoi quand il m’a demandé comment se diriger vers Paris depuis l'aéroport, je n’ai pas proposé d’y aller ensemble. Au contraire, je lui ai révélé tout de suite que ma destination n’était pas Paris, mais une autre ville et que je serais embêtée et pressée pour rattraper un train. Lui, il devait attendre jusqu’à l’après-midi pour prendre un autre vol à la destination du Mexico et ne voulait pas passer 5 heures à l’aéroport.

J’ai un peu rougi d’avoir dit le mensonge, ou au moins d’avoir contourné la question. Bien sûr, j’allais prendre le RER B pour aller au centre de la ville. Afin de me soulager, j’ai ajouté, avant de quitter la cabine, un dernier conseil : « Il faut surtout faire attention à la direction finale au retour quand on prend la ligne RER B. »

A un moment donné, j’ai perdu mes lunettes et ai fouillé partout. C’est lui qui m’a aidée à les trouver. Ma reconnaissance s’est redoublée. J’ai failli lui laisser ma carte de visite, sachant qu’il retournerait vite en Chine pour ses affaires d’ascenseur. Mais je ne faisais qu’hésiter.

On ne s’est pas dit « au revoir », car à la sortie, tout le monde était pressé. J’ai cherché un moment convenable pour se retourner vers lui, au moins pour un dernier merci, mais la foule nous a séparés. Lui non plus, il n’a pas pris l’initiative.

Maintenant quand je me rappelle de ce trajet fatigant, c’est ce petit détail, cette découverte étonnante qui a sursauté : un plateau propre, une boite propre…Oui, les habits ne font pas les moines, mais les comportements distinguent les gens. Moi, ayant fait des études de longues années, je n’ai pas encore pris l’habitude d’être aussi soigneuse et aussi attentionnée. Et mon ami en avion m'a été un miroir.

 

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Commentaires
A
joli billet sur les différences qu'on dit "culturelles" ;-)
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