Une retrouvaille bien heureuse

Je devais remplacer notre lecteur français pour donner un cours de deux heures sur la presse française à la classe de la quatrième année.Cela m'inqiétait un peu. En effet,clouée pour la première année,je n'ai jamais donné de cours aux étudiants de niveaux avancés, ni de cours dont le contenu n'était pas constitué par l'explication de la langue. Ce serait alors pour moi un défi et aussi une chance.

J'ai choisi trois articles de différnets genres, dont le thème leur concerne directement et justement : l'insertion des diplômés dans le monde du travail. Je pensais à expliquer certaines expressions non usuelles et les aider à comprendre certains paragraphes difficiles, avant de lancer une discussion qui inviterait leurs témoignages personnels.

Avant d'entrer dans la salle, je me suis rassurée tout en imaginant la pire situation : personne n'est venue."Les vacances approchent et c'est normal qu'il y ait beaucoup d'absents.D'ailleurs, ils ont un mémoire à écrire et des stages à faire."

A ma surprise,la grande majorité m'attendaient et d'ailleurs, par de retard !

- Vous savez déjà que c'est moi qui fais le remplacement ? toujours inquiète, je croyais qu'ils attendaient un autre.

"Oui, oui.." ils m'ont offert de beaux sourires.

Le cours commençait.

Je les avais comme étudiants il y a déjà trois ans. C'était une classe comme les autres, qui ne m'a pas laissé de fortes impressions. C'est plutôt la promotion d'avant qui a marqué mon début de carrière. Aujourd'hui,j'ai oublié même les noms de certains étudiants. J'en ai honte.

Lors de leur première année de l'apprentissage du français,je n'avais que 4h par semaine avec eux et un autre professeur assumait leur performance. D'ailleurs, le premier mois écoulé, je les ai quittés et suis allée en France.Je me rappelle encore la première séance où j'ai repris mon travail un mois plus tard. Je leur ai posé une question pour tester leur niveau : que voulez-vous savoir sur mon séjour à Paris, posez-moi des questions d'une façon correcte.

- Nous vous avons manqué ? Le chef de classe a levé la main.

C'était une question pas très courante et il devrait dire simplement "avez-vous pensé à nous?"

Embarassée,j'ai balbutié;"Oui,oui, bien sûr."

C'éait un mensonge.Toute ma tête était remplie par de beaux paysages parisiens et de belles rencontres amicales et je n'avais jamais pensé à cette classe que je connaissais à peine.

C'est pourquoi je n'ai pas ajouté une réplique : "et vous? vous avez pensé à moi?"

Pendant ces deux heures, ils étaient très coopératifs, répondant spontanément à mes questions et restant attentifs. On a même échangé quelques railleries.

J'ai terminé le cours en leur souhaitant un brillant avenir, car je ne savais pas si c'était la dernière fois que je les voie tous ensemble.Tout le monde a applaudi et le chef a ajouté :" nous souhaitons aussi un bel avenir à votre bébé!" C'était adorable.

Les étudiants qui sont actuellement en France et qui ont eu l'idée de m'envoyer des cartes de voeux font partie aussi de cette classe et leur acte respectueux m'a beaucoup touchée, car je ne m'y étais pas attendue.

C'est ça le plaisir d'être professeur. Quand on sème, on ne pense pas à la récolte. Mais quand les fleurs épanouies tournent vers vous, même sans motif précis, cela vous procure une joie immense.